Tant qu’à rester tous confinés à la maison, pourquoi ne pas saisir cette occasion pour mieux comprendre l’économie? Je profite donc de notre confinement collectif pour vous offrir dans les prochains jours quelques nouveaux billets sur mon Blogue économique pour faire le point sur la situation, en profitant de ces textes pour vulgariser et expliquer des principes économiques généraux avec des exemples simples et concrets.
• Aujourd’hui : L’impact économique du Covid-19 pour le Québec
• Prochain blogue : Comment lutter contre la crise? La réponse des gouvernements
Vous êtes nombreux à me demander quelles seront les conséquences économiques de la crise de la Covid-19 pour le Québec. Voici un état des lieux.
Avertissement : ce texte pas très joyeux se termine par une excellente nouvelle et une lueur d’espoir. Mais il faut le lire jusqu’au bout pour s’y rendre!
Les impacts économiques de la Covid-19 sont nombreux et graves. Mais tout se résume en un mot : manque de LIQUIDITÉS, c’est-à-dire l’argent disponible des entreprises pour qu’ils puissent payer leurs employés, leurs sous-traitants et leurs fournisseurs, et des individus pour qu’ils puissent payer leurs dépenses courantes. Explications.
1. Mise à l’arrêt des entreprises et ralentissement de la production
On a demandé à la population de rester à la maison, autant que possible. Plusieurs entreprises pratiquent le télétravail, même si c’est parfois difficile. Mais dans les entreprises manufacturières, la présence physique est nécessaire. La production est donc ralentie ou à l’arrêt. Conséquences : les revenus n’entrent pas et des employés sont mis à pied afin qu’ils puissent recevoir de l’assurance-emploi entre-temps.
Aussi, les sous-traitants et fournisseurs de ces entreprises à l’arrêt ne reçoivent plus de commandes, donc cette situation les ralentit aussi, et vice-versa. Et les sous-traitants/fournisseurs de ces sous-traitants/fournisseurs, à leur tour, sont affectés, ce qui impacte leurs propres sous-traitants/fournisseurs, etc… et cela se propage à l’ensemble des entreprises, de façon exponentielle.
Évidemment, la plupart de ces entreprises manufacturières finiront par honorer leurs contrats et les demandes de leurs clients lorsque la pandémie prendra fin. Mais en attendant, les revenus n’entrent pas, et certaines entreprises auront des difficultés à payer leurs employés et leurs fournisseurs. Elles manqueront de liquidités, risquant pour certaines la faillite.
2. Tourisme et culture
C’est une véritable hécatombe dans le domaine touristique et culturel. Avec les restrictions de voyage et le confinement, les activités touristiques sont à l’arrêt. On pense aussi aux compagnies aériennes qui risquent de perdre énormément d’argent.
Dans le domaine culturel, tout est annulé. Quelle catastrophe, surtout pour les artisans du milieu qui vivaient déjà, en temps normal, avec des moyens financiers précaires. Et comme je l’expliquais, pour les entreprises manufacturières, c’est l’ensemble de la filière qui sera affectée, avec des impacts sur leurs sous-traitants et fournisseurs, et ainsi de suite. Lorsque des événements touristiques, culturels ou sportifs sont carrément annulés (et non pas reportés), ce sont des pertes nettes de revenus qu’il ne sera jamais possible de retrouver. Ce manque de liquidité risque de fragiliser certaines personnes.
3. Commerce international
Les restrictions de voyage ainsi que la fermeture des frontières perturbent fortement le commerce international. Certes, les marchandises peuvent toujours franchir les frontières. Mais il est extrêmement difficile de faire des affaires à l’étranger sans pouvoir voyager : impossible de détecter des opportunités d’affaires, de négocier et signer des contrats, de faire le suivi à la clientèle et l’installation des appareils, etc. Aussi, le Québec n’exporte pas que des marchandises. Il exporte aussi des services et des expertises qui requièrent parfois une présence physique… Tout cela n’est plus possible.
4. Investissement
Pour une entreprise, investir signifie dépenser.
• Investir dans des nouvelles machines = acheter des machines
• Investir en recherche et développement = acheter des équipements spécialisés et rémunérer des chercheurs
• Investir en publicité = dépenses dans une campagne de marketing,
• Etc.
Or, quand l’économie va mal, les entreprises développement des « anticipations négatives », c’est-à-dire une vision négative de ce que seront les opportunités d’affaires dans le futur.
Résultat : plutôt que d’investir, elles voudront plutôt se constituer un « coussin de sécurité », c’est-à-dire mettre l’argent de côté pour parer à une crise. Les projets d’investissement sont mis sur la glace dans l’attente de jours meilleurs. Mais en attendant, c’est le manufacturier d’équipements spécialisés qui ne reçoit pas la commande, ce sont des chercheurs en R&D qui ne sont pas embauchés, c’est l’agence de marketing qui perd un contrat, et bien d’autres. Et l’impact se prolonge sur leurs propres sous-traitants/fournisseurs qui… vous connaissez maintenant l’histoire!
5. Consommation en baisse
Des entreprises à l’arrêt, des travailleurs autonomes qui ne travaillent pas, des artistes dont les événements ont été annulés, des employés licenciés… Autant de personnes qui devront ajuster leur consommation à la baisse dans les prochaines semaines. Résultat : impacts majeurs sur les commerces qui subissent des pertes de revenus, moins de liquidités, donc plus grand risque de faillite.
Cela est évidemment aggravé par la fermeture des restaurants, bistros et bars, ainsi que de nombreux commerces de proximité, qui aussi risquent aussi la faillite…
Avec toujours, pour tous ces commerces, des conséquences sur leurs propres sous-traitants/fournisseurs qui… etc.
6. Baisse des prix des actions en bourse
C’est sans surprise qu’avec toute cette situation économique, les bourses mondiales soient fortement en baisse. Si vous avez des actions ou des fonds de placement, vous en subissez les conséquences! Les gens auront l’impression d’être moins riches, ce qui pourrait les inciter à consommer moins. On revient aux points précédents : consommation en baisse et anticipations négatives des investisseurs.
Et la bonne nouvelle?
La bonne nouvelle, c’est que l’on connaît approximativement la fin de l’histoire. Avec les données épistémologiques sur la Covid-19, et voyant ce qui se passe en Chine, on peut dire que la crise durera environ trois à quatre mois, peut-être cinq. Oui c’est long, mais quand les gens reviendront au travail, l’économie reprendra.
Ça paraît long, 3-4 mois. Mais contrastons avec une crise économique normale. Habituellement, une récession débute par un événement négatif, les bourses qui s’écroulent par exemple. Puis, les entreprises et les investisseurs forment des « anticipations négatives » qui les incitent à mettre sur la glace leurs investissements. Donc, moins de dépenses, ce qui affecte des sous-traitants/fournisseurs, qui ont un impact sur leurs propres sous-traitants/fournisseurs, et cela se propage à l’ensemble de l’économie.
C’est un cercle vicieux. Plus les entreprises retardent leurs investissements, plus l’économie ralentit, plus les investisseurs forment des « anticipations négatives », plus ils ont peur d’investir… Plus ça va mal, plus ça va mal!
Pour résoudre une crise normale, ça prend des bonnes nouvelles pour que les gens cessent d’avoir des « anticipations négatives ». Ce n’est pas facile de briser le cercle vicieux des anticipations négatives, et ça peut durer des années. La Grande Crise de 2008 a perduré presque 8 ans!
Mais avec la crise de la Covid-19, on connait la fin de l’histoire à l’avance. On sait, à un ou deux mois près, quand tout cela va se terminer.
Actuellement, les gens en confinement dépensent moins car ils ne peuvent pas sortir. Quand cela prendra fin, il y aura un boom de consommation qui risque de relancer l’économie.
Et les entreprises pourront reprendre leur production, et elles auront besoin de refaire des commandes à leurs sous-traitants/fournisseurs.
Et là, ça sera un cercle vertueux, le contraire du cercle vicieux des anticipations négatives : plus de consommation et plus de contrats, plus d’entrées d’argent, plus de contrats et de consommation, plus d’anticipations positives, plus d’investissements, plus de dépenses, plus de consommation et plus de contrats, etc.
D’ici là, le gros problème, c’est le manque de liquidités. Pour les individus et pour les entreprises, comment survivre à ces trois à quatre mois avec de telles pertes de revenus? Certains devront faire faillite malheureusement.
C’est sur ce problème de manque de liquidité que les gouvernements doivent impérativement et urgemment intervenir, pour soutenir les entreprises et les individus en état de fragilité financière. On en parle demain dans mon prochain Blogue économique.
Prochain blogue : Comment lutter contre la crise? La réponse des gouvernements