SAQ: non à la privatisation, oui aux cavistes, La Presse

Article d’opinion, La Presse, 11 mai 2019

SAQ: non à la privatisation, oui aux cavistes

Il y a un entêtement à considérer le débat sur la Société des alcools du Québec (SAQ) uniquement à l’aune de la privatisation. Personne ne propose cette option, ni la CAQ dans ses propositions électorales, ni le précédent gouvernement libéral, ni même l’Institut économique de Montréal !

Pour lire la suite: www.lapresse.ca/debats/opinions/201905/10/01-5225644-saq-non-a-la-privatisation-oui-aux-cavistes.php?fbclid=IwAR0k2LMfMKRKE86NC3f5-I8eMdla-jA4MPvuUJKErQcbGH484gjnnhNxTvk

Ouverture aux cavistes: Un projet pilote

On peut amorcer cette ouverture partielle par un petit projet pilote, inspiré du cas des camions de cuisine de rue à Montréal.

Le Gouvernement du Québec peut accorder un très petit nombre de permis aux meilleurs concepts de cavistes, c’est-à-dire aux boutiques qui offrent une valeur ajoutée et une nouveauté aux consommateurs. Exemples:

  • Boutiques de produits québécois (vins, gins, vodka, etc.)
  • Une boutique de whisky
  • Une boutique qui offre vins italiens avec des produits italiens (pâtes, fromages, etc.)
  • Une boutiques de bières internationales
  • Une boutique de mixologie (gin, rhum, vodka, etc.)

Après un an ou deux de projet pilote, on peut alors juger s’il convient d’ouvrir le marché à d’autres cavistes originaux.

La ville de Montréal avait peur que les rues de Montréal soient envahies de baraques à hot dogs et à frites malodorantes et sales. Dans un premier temps, ils ont accordé un très petit nombre de permis de camions de cuisine de rue, basé sur la qualité gastronomique et l’originalité du concept. Et ce fut un grand succès! Je propose la même chose pour l’ouverture de la distribution des vins et des alcools au Québec.

Bonne ou mauvaise idée: la privatisation de la SAQ ?

https://www.facebook.com/events/193389081366075/

Le gouvernement du Québec devrait-il mettre fin au monopole de la Société des alcools du Québec (SAQ) et la privatiser?

À l’aube du déclenchement de la campagne électorale, se tiendra une soirée de débat pour approfondir cette question qui refait surface périodiquement dans l’espace public.

Ils seront trois à partager leur point de vue avec Lauréanne Daneau à l’animation :
Frédéric Laurin, économiste et professeur à l’UQTR – Université du Québec à Trois-Rivières
Alex Dorval, co-fondateur et responsable des communications de la Microbrasserie Le Temps d’une Pinte
– Jonathan Couturier, maître goûteur pour Distillerie Mariana

La soirée est ouverte à tous. Le public sera invité à commenter et poser des questions aux invités.

Le marché des vins et alcools au Québec : 10 fausses perceptions

Le marché des vins et alcools au Québec : 10 fausses perceptions


Voici 10 fausses perceptions à propos de cette idée de libéralisation partielle.

1. L’ouverture du marché va favoriser l’alcoolisme au Québec
2. Le vin est un produit de luxe, alors c’est normal de le taxer
3. La SAQ fait partie du modèle québécois héritée de la révolution tranquille
4. La libéralisation du marché va faire perdre des revenus pour le gouvernement
5. Le prix du vin est élevé parce que ça coûte cher de le transporter jusqu’au Québec
6. C’est normal de taxer un produit comme l’alcool à cause des conséquences sociales (alcoolisme)
7. La SAQ a un choix de produit exceptionnel
8. Le vin est cher à cause des syndicats des employés de la SAQ et leurs salaires élevés
9. La SAQ, c’est nécessairement une opposition gauche-droite
10. Avoir des prix élevés avec un monopole, c’est un choix de société

Une libéralisation partielle du marché des vins et des alcools au Québec

Dans l’ouvrage « Où sont les vins? » (Éditions Hurtubise, 2009), je proposais une libéralisation partielle du marché québécois.

Cette proposition consiste à autoriser de petites boutiques de vin (appelées « cavistes« ) à importer, distribuer et vendre librement les vins et alcools au Québec. Ce réseau de cavistes permettrait d’offrir aux consommateurs québécois une plus grande diversité de vins et alcools, à des prix plus abordables (SAQ: des prix très élevés), ainsi qu’un service à la clientèle dynamique et personnalisé favorisant l’essor de la qualité et de la gastronomie au Québec. La concurrence permettrait une baisse des prix et inciterait la SAQ à devenir plus efficiente et à diminuer ses coûts de production.

C’est une solution facile à instaurer. On pourrait débuter par un projet-pilote avec l’ouverture de cinq à huit petits cavistes indépendants. Le choix des cavistes se ferait par appel à candidatures. Chacun devra présenter un concept de boutique spécifique et original. Le gouvernement sélectionnerait les concepts apportant le plus de valeur ajoutée aux consommateurs. (voir mon article sur cette proposition dans La Presse). Un peu à l’image du projet-pilote de la ville de Montréal concernant les camions de cuisine de rue!

L’existence d’un monopole au Québec contribue à réduire considérablement la gamme de produits disponibles pour le consommateur québécois, limitant son plaisir de la découverte et de la dégustation. Il y a des milliers de produits dans le monde auxquels les Québécois n’ont pas accès, surtout quand on cherche à boire une bonne bière belge ou allemande, ou un bon whisky écossais…

Pour voir tout le plaisir que de petites boutiques de vins et d’alcool pourraient amener aux Québécois, je vous invite à visionner mes capsules tournées en Europe sur des cavistes originaux et dynamiques : leplaisirdescavistes.ca. A quand un tel plaisir au Québec?


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1. L’ouverture du marché va favoriser l’alcoolisme au Québec

FAUX. Actuellement, comme le prix du vin et des alcools forts est très élevé, de très nombreuses personnes qui dépendent de l’alcool se rabattent sur la bière qui est moins chère. En effet, la bière bénéficie d’un régime juridique différent des autres alcools au Québec : elle peut se vendre en dehors de la SAQ. Or, la SAQ applique en moyenne une marge brute moyenne de 145% sur le prix des vins, ce qui les rend beaucoup trop chères, tandis que la bière est vendue à un prix normal. Donc, même en supposant une baisse du prix du vin de 30% par rapport au niveau élevé d’aujourd’hui, la bière resterait toujours moins chère que le vin. Ceci n’affecterait pas le niveau d’alcoolisme au Québec. Conclusion : si l’objectif est réellement de lutter contre l’alcoolisme, il faudrait substantiellement augmenter le prix de la bière (peut-être même doubler les prix pour que cela soit efficace). Êtes-vous d’accord avec cela? Ceci dit, il faut être très vigilent. Il faut continuer à faire la promotion d’une consommation responsable. Et je suis tout à fait d’accord avec une taxation spécifique sur les vins et les alcools pour lutter contre l’alcoolisme.
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2. Le vin est un produit de luxe, alors c’est normal de le taxer.

FAUX. Le vin n’est pas nécessairement un produit de luxe. Dans un pays normal, il y a certes de grands vins prestigieux vendus à 300$, mais aussi un très vaste choix des petits vins originaux et sans prétention qui, sans le monopole, seraient vendus entre 6$ et 10$. Ce n’est pas beaucoup plus chère qu’une bouteille de 750 ml de bière de microbrasserie, qui n’est pas considéré comme un bien de luxe!

Sans le monopole – avec sa marge brute moyenne de 145% – il serait possible d’avoir un bon petit vin pour 7$, soit environ 87 cents le verre! Voir la décomposition du prix de la SAQ. La perception au Québec que le vin est un produit de luxe vient de la SAQ. C’est un raisonnement circulaire: comme les prix sont élevés à cause du monopole, on pense que c’est nécessairement un produit de luxe. Et comme on pense que c’est un produit de luxe, on accepte d’avoir un prix élevé!

Et suivant cette logique, il faudrait taxer aussi les autres produits de luxe. Et qu’est-ce qu’un produit de luxe : les voyages? Les bijoux? Les billets de hockey? Les bateaux à moteur? Les voitures décapotables? Pourquoi taxer le vin et non pas des produits qui sont néfastes (produits en lien avec l’obésité et les problèmes de santé, produits polluants, etc.)?

Enfin, à quel moment avons-nous collectivement pris la décision de taxer des produits de luxe au Québec? Jamais. Il n’y a jamais eu de vote à l’Assemblée nationale du Québec sur ce point. On a institué le monopole en 1921, et depuis la SAQ se sert de ce monopole pour imposer des prix élevés.
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3. La SAQ fait partie du modèle québécois héritée de la révolution tranquille

FAUX. La SAQ n’a pas été créée pendant la révolution tranquille, mais en 1921, en réaction à la prohibition de l’alcool aux États-Unis. Comme le Canada ne souhaitait pas suivre les américains sur cette voie aussi radicale, il fut décidé de créer un monopole afin de contrôler la consommation d’alcool dans la population. Aujourd’hui, cette justification n’est plus d’actualité. Alors, quelle est la justification d’un monopole du vin aujourd’hui?
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4. La libéralisation du marché va faire perdre des revenus pour le gouvernement

VRAI et FAUX. D’abord, la question des revenus est différence de cette du monopole. On peut tout simplement taxer le vin plutôt que de passer par un monopole. Pas besoin d’un monopole pour taxer la cigarette ou l’essence par exemple!

Il est vrai que la concurrence va certainement faire baisser les prix du vin (j’estime qu’ils pourraient facilement baisser de 30%). De plus, la SAQ va perdre une partie des ventes au profit des nouvelles boutiques de vins et d’alcool. Donc, en apparence, le gouvernement pourrait perdre des revenus. Mais ce n’est pas la fin du processus. Dans une étude que j’ai publiée en 2012, j’ai estimé l’impact sur les finances du Gouvernement du Québec d’une libéralisation partielle de la distribution des vins et alcools au Québec (voir cette étude).

D’abord, une baisse des prix stimulerait les ventes, surtout en qualité, sachant l’engouement grandissant des québécois pour la bonne table, la gastronomie et les produits fins. Les gens qui dépensent environ 12$ la bouteille vont peut-être continuer à dépenser 12$ même avec une réduction des prix de 30%, en allant découvrir des vins de meilleure qualité maintenant plus abordables. Dans une nation où les sommeliers sont des vedettes et où tous les médias ont des chroniques sur le vin, on peut s’attendre à ce mouvement vers la qualité et l’originalité des vins de la part des consommateurs québécois. Les Québécois qui sont plus limités financièrement auront enfin accès à de bons vins. La croissance des ventes de vin suite à cette baisse de prix devrait soutenir les profits de la SAQ, ainsi que les taxes sur la consommation de vins achetés chez les cavistes.

Le système de monopole actuel défavorise nettement les produits d’ici. Le Québec ne favorise pas sa propre production viticole. Un marché partiellement libéralisé favoriserait nettement l’industrie des vins et alcools du terroir québécois, se traduisant à terme par une production supplémentaire de 63 millions de dollars par année. Le développement de ce secteur agro-touristique devrait donc générer de l’activité économique, impliquant augmentation des recettes de taxes et d’impôts pour le Gouvernement du Québec. Et l’activité des boutiques de vin va générer de la création d’emplois et des revenus de taxes et d’impôts pour le gouvernement.

Enfin, la concurrence va amener la SAQ à devenir beaucoup plus efficace et à diminuer ses coûts de production, permettant de compenser en partie pour les pertes de revenus.
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5. Le prix du vin est élevé parce que ça coûte cher de le transporter jusqu’au Québec.

FAUX. Lorsqu’un grand distributeur comme la SAQ transporte du vin par centaines de caisses sur des palettes par bateau, cela coûte environ 25 à 70 cents la bouteille. Le prix élevé vient vraiment de la marge brute moyenne de 145% imposée par la SAQ. Voir la décomposition du prix de la SAQ.
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6. C’est normal de taxer un produit comme l’alcool à cause des conséquences sociales (alcoolisme)

VRAI, MAIS… Oui, il faut une taxe spécifique sur l’alcool pour éviter la surconsommation et financer les conséquences négatives de ceux qui malheureusement abusent de l’alcool. Le gouvernement du Québec ajoute déjà une taxe spécifique sur l’alcool, justement pour pallier à ce problème. A ceci s’ajoute trois autres taxes: la TPS et la TVQ, comme n’importe quel autre produit, plus des droits de douane du gouvernement fédéral. Sur une bouteille de 15$, ca représente environ 3$ de taxes. En plus, la SAQ prend une marge brute moyenne de 145%. Mais 145%, ce n’est pas un peu abusif, non?
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7. La SAQ a un choix de produit exceptionnel

VRAI et FAUX.Si on compare une chaîne de magasin avec une autre, le choix de produits est très large à la SAQ par rapport à d’autres distributeurs de vins et d’alcools. Mais c’est normal puisque c’est un monopole qui doit servir tout le Québec, et non pas une petite boutique qui sert une ville. Si on considère l’ensemble de la diversité au Québec, on s’aperçoit qu’il existe des milliers de produits intéressants qui sont non disponibles au Québec. Lors de mes voyages en Europe ou ailleurs, je découvre de très nombreux produits que je ne pourrais jamais plus déguster au retour au Québec. Quelle frustration! Pour la bière et le whisky, c’est flagrant. Il existe plus de 1000 bières belges. De même, il existe plus de 2000 whiskys dans le monde, et si peu vendus au Québec… La SAQ bloque énormément de petits producteurs originaux à travers le monde qui se demandent bien pourquoi leurs bons produits ne peuvent être distribués au Québec.  Et ça génère énormément de grogne de leur part envers notre système de monopole (j’ai de nombreux témoignages!). La sélection de la SAQ ne se base pas sur la demande des consommateurs, mais sur un processus administratif qui fait peu de place au goût et à l’originalité comme critère de sélection (sur cette question, je réfère le lecteur à mon livre « Où sont les vins » publié en 2009 aux Éditions Hurtubise). En quoi est-ce le rôle de l’État de sélectionner pour les consommateurs québécois les vins qui sont offerts au Québec ?

Le vin québécois est un exemple frappant de cela. Il y a plus de 200 produits disponibles, mais on les retrouve difficilement dans les succursales du Québec. Comment acheter du vin québécois si la SAQ est en monopole et qu’elle ne dispose pas d’un large choix? C’est la raison pour laquelle le Gouvernement du Québec a adopté la loi 88 qui permet aux vins québécois d’être vendus dans des épiceries et des dépanneurs, afin d’échapper au goulot d’étranglement de la SAQ.
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8. Le vin est cher à cause des syndicats des employés de la SAQ et leurs salaires élevés.

VRAI et FAUX. Il est vrai que les salaires des employés de la SAQ sont plus élevés que dans le secteur de la vente au détail en général. Ceci pourrait en apparence expliquer les prix élevés. Mais la SAQ vient se chercher une marge brute moyenne de 145% sur le prix du producteur, ce qui pousse le prix bien au-delà des coûts élevés de la SAQ. Voir la décomposition du prix de la SAQ. En fait, puisque cette marge moyenne de 145% est une marge administrative qui ne dépend pas des coûts de production, même en supposant une baisse du salaire des employés de la SAQ, ceci ne ferait pas baisser le prix du vin; Ça ne ferait qu’augmenter les revenus pour le gouvernement.
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9. La SAQ, c’est nécessairement une opposition gauche-droite.

VRAI et FAUX. J’ai écrit un article d’opinion sur ce sujet. C’est certain que, peu importe les faits et les arguments, la droite va toujours s’opposer à un monopole public, et la gauche va toujours chercher à justifier l’implication sur secteur public. Mais ce sujet ne devrait pas être traité de façon idéologique. La libéralisation totale – souhaitée par les gens à droite – risque d’être défavorable dans les régions du Québec où il y aura peu ou pas de concurrence. D’où l’idée de ne pas démanteler la SAQ qui approvisionne toutes les régions du Québec. Mais en même temps, la vente de vin n’est ni un service essentiel, ni stratégique. Même la cigarette et les médicaments, des produits autrement plus dangereux et sensibles que le vin, ne sont pas administrés par un monopole. Pourquoi le vin alors? Mon approche n’est pas idéologique, mais gastronomique. C’est à la base une question de plaisir du vin et de diversité !

Si la justification de l’existence de la SAQ est simplement de générer des revenus pour le gouvernement, alors la taxation est une solution et non pas le monopole. La libéralisation partielle ne démantèle pas la SAQ. Il s’agit simplement de mettre un peu de concurrence, pour offrir aux consommateurs québécois une autre expérience de la dégustation, plus de choix et donner de meilleurs débouchés aux producteurs québécois! C’est une question de plaisir du vin, et non pas une question idéologique.
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10. Avoir des prix élevés avec un monopole, c’est un choix de société

FAUX. Il est tout à fait légitime de taxer des produits non essentiels afin de financer les routes, les écoles et les programmes sociaux. Mais dans le cas du vin, quand avons-nous fait ce choix de société? Quand avons-nous décidé ce choix collectivement et voté cela officiellement à l’Assemblée nationale du Québec? Jamais! La SAQ existe depuis 1921 et elle a profité de son statut de monopole pour fixer des prix élevés de monopole, ce qui plait évidemment au gouvernement qui en collecte les revenus. Mais la société québécoise n’a jamais statuée officiellement sur ce point.

Par ailleurs, sur une bouteille de 15$, on paie déjà 3,25$ pour diverses taxes: TPS, TVQ, douane, et taxe spécifique sur l’alcool (voir la décomposition du prix de la SAQ). En plus, la SAQ applique une marge brute moyenne de 145%. N’est pas un peu beaucoup non? Si on veut faire un choix de société, il conviendrait de taxer non seulement le vin et les alcools, mais aussi la malbouffe ou les produits polluants ou ceux qui détériorent l’environnement par exemple.
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SAQ: des prix très élevés!

Des prix plus élevés!

Les prix du vin à la SAQ sont TRÈS élevés. Ce n’est pas mon principal argument pour libéraliser le marché de la SAQ. Mais c’est une question qui revient souvent dans l’actualité. On va tenter de le démontrer ici.

Décomposition du prix du vin

Le graphique ci-dessous montre la décomposition du prix d’un vin à la SAQ (source: Rapport d’activité de la SAQ). Prenons par exemple un vin vendu au prix de 15,95$. La SAQ achète le vin au producteur à un coût de 5,43$ (incluant le transport!). Il faut ensuite ajouter 3,22$ de taxes: TPS, TVQ, droits de douane et autres taxes. Ça fait un total 8,65$. Or, le vin est vendu à 15,95$. Ceci signifie que la marge brute de la SAQ est de 84%! C’est énorme! On verse donc au gouvernement non seulement 3,22$ de taxes diverses, mais une marge de 84% en plus!

Mettons que le coût de distribution de la SAQ est de 2$ (ce qui est très élevé: les supermarchés me disent que ça leur coûte environ 1$ la bouteille en coût de distribution). Ajoutons une marge de profit de 30% (ce qui est généreux dans la distribution alimentaire). 8,65$+2$+profit 30% = 13,85$. C’est 2$ de moins que la SAQ.

Et c’est un calcul très conservateur: de nombreux producteurs en Europe et au Québec m’ont confirmé que la marge brute de la SAQ est plutôt de 145% en moyenne!!

Repartion Prix

Ontario

J’ai comparé 207 produits entre la SAQ et la LCBO en Ontario. La LCBO est aussi un monopole qui a la capacité de maintenir des prix élevé. Malgré cela, la très grande majorité des produits sont moins chers en Ontario. La différence de prix est en moyenne de 10%, mais pour les vins de moins de 15$, la différence montre à 13%.

Prix Ontario

Cliquez ici pour voir l’ensemble des données pour l’Ontario.

Le vin moins cher en Ontario, prouve un chercheur, Le Soleil.

SAQ : les vins beaucoup plus chers au Québec qu’ailleurs, Canal Argent.

Alberta

L’Alberta est un cas particulier car le système y est totalement libéralisé. J’ai refais la même comparaison de prix avec le Québec pour 93 produits. En moyenne, les prix sont plus bas en Alberta de 0.74%, ce qui est très peu. Mais avec le boom économique du pétrole, le niveau des prix (inflation) en Alberta a fortement augmenté dans les 15 dernières années, beaucoup plus qu’au Québec ou en Ontario. Un loyer à Calgary est devenu beaucoup plus cher qu’à Montréal par exemple. Comme le vin est maintenant vendu par des entreprises privées, celles-ci ajustent le prix des vins au coût de la vie qui augmente fortement. J’ai donc recalculé les différences de prix en tenant compte de ce coût de la vie. La différence de prix est alors de 16%.

Prix Alberta

Pour montrer que je ne suis pas en train de trafiquer les statistiques avec cette histoire de coût de la vie, dans le graphique ci-dessous, on voit que l’augmentation des prix du vin (premier graphique du haut) coïncide avec l’augmentation des prix des logements en Alberta (deuxième graphique). Lorsque l’on corrige les prix dans chacune des provinces pour l’inflation (troisième graphique), on voit que les prix sont plus bas en Alberta (Source: Statistique Canada, Tableau 326-0020 Indice des prix à la consommation).

IPC Vin Alberta1
IPC Logement Alberta1

IPC réel Vin Alberta1

Cliquez ici pour voir l’ensemble des données pour l’Alberta.

États-Unis

La comparaison avec les États-Unis est beaucoup plus difficile car il existe des milliers de distributeurs et boutiques et c’est très long de répertorier tous les prix. J’ai donc une comparaison avec seulement 24 produits. Cependant, la différence de prix est éloquente: le vin est 37% moins cher aux États-Unis!

Prix EtatsUnis

Belgique

Comme je l’explique dans mon livre « Où sont les vins », la comparaisons entre le Québec et l’Alberta (ou le reste du Canada) n’est pas appropriée, le consommateur québécois ne ressemblant en rien au consommateur de l’Alberta quant aux goûts et aux habitudes culturelles envers les vins et alcools. Comparons des pommes avec des pommes, et des oranges avec des oranges. J’opte plutôt pour une comparaison entre le Québec et la Belgique, par leurs similitudes culturelles et linguistiques, et notamment en ce qui concerne la demande pour les vins. J’ai enfin fait une petite comparaison avec le prix de 24 vins d’Alsace vendus en Belgique. Ces vins sont 25% moins chers en Belgique.

Prix Belgique

SAQ: l’enjeu n’est pas idéologique

SAQ: l’enjeu n’est pas idéologique

Frédéric Laurin, Libre Opinion, 11 juin 2018, Le Devoir

La vraie problématique n’est pas idéologique: c’est à la base une question de plaisir du vin et de diversité

Le débat sur l’avenir de la Société des alcools du Québec (SAQ) a refait surface avec l’annonce presque simultanée de la Coalition avenir Québec et du Parti libéral du Québec de revoir le modèle d’affaires de la société d’État s’ils se font élire en octobre prochain. La CAQ propose de mettre fin au monopole de la SAQ, pour permettre un meilleur accès aux produits, tandis que le PLQ entend réaliser une étude afin de rendre le système de distribution des vins et des alcools plus efficace, peut-être à travers une privatisation totale ou partielle.

Pour lire a suite: https://www.ledevoir.com/opinion/libre-opinion/529994/saq-l-enjeu-n-est-pas-ideologique

SAQ: Les québécois en majorité favorables à une ouverture. Voici pourquoi.

Selon un sondage Léger, commandé par l’Institut économique de Montréal (IEDM), 71% des Québécois se disent d’accord pour que des commerçants indépendants (des cavistes, petites boutiques ou des restaurateurs par exemple) puissent importer librement les vins et les vendre directement aux consommateurs, sans être obligés de passer par la SAQ.

Je m’en réjouis!

Comme vous le savez, il y a plusieurs années que je propose une telle ouverture du marché des vins et des alcools au Québec. La proposition consiste à permettre un peu de concurrence, en laissant la SAQ telle qu’elle est maintenant. Elle ne serait tout simplement plus un monopole.

Pourquoi? Quatre grands motifs :

  • Baisse des prix. Les prix du vin au Québec sont parmi les plus élevés au monde. C’est parce que la SAQ applique une marge brute de 145% en moyenne, en plus de la TPS, TVQ, taxe d’accise et taxe spécifique sur l’alcool. C’est énorme! Un peu de concurrence va contribuer à faire baisser les prix.
  • Incitation à baisser les coûts. Le rapport de la vérificatrice générale du Québec et une de nos études (« Monopole Inc. » rédigée avec le chroniqueur de vin Yves Mailloux et l’économiste Paul Muller) démontrent que la structure de coûts de la SAQ est très élevée. En particulier, ces études signalent que la société d’État négocie très mal les prix auprès des producteurs. Étant l’un des plus gros acheteurs de vin au monde, elle dispose pourtant d’un très grand pouvoir de négociation pour obtenir des rabais pour ses achats en gros. En comprimant les coûts, elle pourrait compenser en partie la baisse des prix pour maintenir son profit. Les pressions des concurrents vont l’obliger à devenir plus responsable en matière de coûts.
  • Une plus grande diversité de produits. La SAQ offre un très grand nombre de produits, de différents pays. Mais la diversité de vins et d’alcool dans le monde est tellement plus riche et intéressante que l’offre de la SAQ. On peut simplement penser aux vins de l’Ontario et de la Colombie-Britannique, quasi absents des étals de la SAQ. Mais aussi aux quelques 1000 bières belges ou l’incroyable diversité de whiskys non disponibles au Québec. L’ouverture permettrait aux consommateurs intéressés par toute la diversité du monde d’avoir accès plus facilement à ces produits sans que la SAQ ne vienne faire le goulot d’étranglement. Chaque boutique de vins et d’alcools voudra se distinguer de la SAQ en ayant sa propre gamme de produits et ainsi établir sa niche dans le marché. Conclusion : la concurrence permet d’avoir plus de diversité de produits au Québec.
  • Un service à la clientèle plus connaisseur et plus porté sur la découverte. Le service à la clientèle de base à la SAQ est excellent. Nous sommes toujours accueillis avec un sourire et les employés sont toujours disponibles pour nous servir. Mais la très grande majorité des employés de la SAQ ont peu ou pas de formation en vin. Et trop souvent, on nous conseille le gros « blockbuster » du vin (le gros vendeur provenant d’une multinationale) plutôt que les produits venant de petits producteurs typiques qui sont beaucoup plus intéressants. Encore une fois, la concurrence va amener les petites boutiques à offrir un service beaucoup plus personnalisé et connaisseur.

Pour vous donner une idée de ce qu’est un caviste et du plaisir d’un service plus plus personnalisé et connaisseur dans le domaine de l’alcool, voir mes petites capsules vidéo ludiques sur des cavistes de bières, de whiskys et de vins en Europe: http://leplaisirdescavistes.ca/

Nul besoin de privatiser la SAQ ou de l’abolir. Tout cela peut se résoudre par la concurrence.

Je suis heureux de constater que l’IEDM reconnaît qu’il n’est en effet pas utile de privatiser la SAQ pour atteindre ces objectifs.

Les Québécois sont attachés à la SAQ malgré ses défauts. Ils apprécient le fait d’avoir une succursale à proximité. La société d’État a une image forte auprès des consommateurs. Elle est présente dans les festivals et les événements culturels. Elle rapporte aussi un milliard de dollars par année au gouvernement du Québec.

Aussi, le réseau de la SAQ est présent partout au Québec, avec 400 succursales sur l’ensemble du territoire. Le maintien de ce réseau est important afin d’assurer une diversité de produits dans toutes les régions du Québec, et pas seulement dans les grands centres.

Les Québécois se montrent donc en majorité très réticents à sa privatisation.

Mais l’engouement et le niveau de connaissances des Québécois envers le vin et les alcools sont tels qu’ils réalisent aujourd’hui que la SAQ ne suffit plus à satisfaire leurs exigences. Ils souhaitent donc un peu plus de flexibilité afin d’avoir de meilleurs prix, plus de diversité, plus de découvertes étonnantes et un service plus personnalité. C’est ce que ce sondage Léger nous indique.

C’est une proposition qui est politiquement raisonnable et facilement applicable. On espère maintenant que le gouvernement sera à l’écoute des consommateurs…

PS : Voici pour le gouvernement ma proposition graduelle de projet-pilote, avec l’ouverture d’un tout petit nombre de cavistes.

SAQ et concurrence: pourquoi pas un projet pilote de cavistes originaux?

SAQ et concurrence: pourquoi pas un projet pilote de cavistes originaux? | Opinions

Le Nouvelliste, 12 mars 2017

L’auteur, Frédéric Laurin, est professeur d’économie à l’École de gestion de l’Université du Québec à Trois-Rivières et auteur du livre «Où sont les vins?».

Source: https://www.lenouvelliste.ca/opinions/saq-et-concurrence-pourquoi-pas-un-projet-pilote-de-cavistes-originaux-db97017f00e593e3ce5ae7171627bf5b

Ouverture timide d’achats des vins canadiens au Québec, Le Nouvelliste 1er août 2016

Ouverture timide d’achats des vins canadiens au Québec

Article d’opinion, Le Nouvelliste, 1er août 2016

Les auteurs, Frédéric Laurin, professeur d’économie à l’UQTR, Yves Mailloux, chroniqueur en vin, et Paul Daniel Muller, économiste, ont publié l’étude Monopole Inc. sur les inconvénients pour le Québec du monopole de la SAQ sur la distribution de l’alcool.

Dans le vin comme pour d’autres cultures, les consommateurs ont souvent un petit penchant pour les produits locaux, quand leur rapport qualité-prix se compare avec celui des produits importés.
Pourtant, les vins québécois et canadiens sont relativement peu présents à la SAQ. En dehors de notre monopole, comment mettre la main sur les bons produits du Québec et du Canada?

Pour lire la suite: www.lenouvelliste.ca/opinions/ouverture-timide-dachats-des-vins-canadiens-au-quebec-2f0051fbeab4bfe712382acdb69439db