Le marché des vins et alcools au Québec : 10 fausses perceptions

Le marché des vins et alcools au Québec : 10 fausses perceptions


Voici 10 fausses perceptions à propos de cette idée de libéralisation partielle.

1. L’ouverture du marché va favoriser l’alcoolisme au Québec
2. Le vin est un produit de luxe, alors c’est normal de le taxer
3. La SAQ fait partie du modèle québécois héritée de la révolution tranquille
4. La libéralisation du marché va faire perdre des revenus pour le gouvernement
5. Le prix du vin est élevé parce que ça coûte cher de le transporter jusqu’au Québec
6. C’est normal de taxer un produit comme l’alcool à cause des conséquences sociales (alcoolisme)
7. La SAQ a un choix de produit exceptionnel
8. Le vin est cher à cause des syndicats des employés de la SAQ et leurs salaires élevés
9. La SAQ, c’est nécessairement une opposition gauche-droite
10. Avoir des prix élevés avec un monopole, c’est un choix de société

Une libéralisation partielle du marché des vins et des alcools au Québec

Dans l’ouvrage « Où sont les vins? » (Éditions Hurtubise, 2009), je proposais une libéralisation partielle du marché québécois.

Cette proposition consiste à autoriser de petites boutiques de vin (appelées « cavistes« ) à importer, distribuer et vendre librement les vins et alcools au Québec. Ce réseau de cavistes permettrait d’offrir aux consommateurs québécois une plus grande diversité de vins et alcools, à des prix plus abordables (SAQ: des prix très élevés), ainsi qu’un service à la clientèle dynamique et personnalisé favorisant l’essor de la qualité et de la gastronomie au Québec. La concurrence permettrait une baisse des prix et inciterait la SAQ à devenir plus efficiente et à diminuer ses coûts de production.

C’est une solution facile à instaurer. On pourrait débuter par un projet-pilote avec l’ouverture de cinq à huit petits cavistes indépendants. Le choix des cavistes se ferait par appel à candidatures. Chacun devra présenter un concept de boutique spécifique et original. Le gouvernement sélectionnerait les concepts apportant le plus de valeur ajoutée aux consommateurs. (voir mon article sur cette proposition dans La Presse). Un peu à l’image du projet-pilote de la ville de Montréal concernant les camions de cuisine de rue!

L’existence d’un monopole au Québec contribue à réduire considérablement la gamme de produits disponibles pour le consommateur québécois, limitant son plaisir de la découverte et de la dégustation. Il y a des milliers de produits dans le monde auxquels les Québécois n’ont pas accès, surtout quand on cherche à boire une bonne bière belge ou allemande, ou un bon whisky écossais…

Pour voir tout le plaisir que de petites boutiques de vins et d’alcool pourraient amener aux Québécois, je vous invite à visionner mes capsules tournées en Europe sur des cavistes originaux et dynamiques : leplaisirdescavistes.ca. A quand un tel plaisir au Québec?


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1. L’ouverture du marché va favoriser l’alcoolisme au Québec

FAUX. Actuellement, comme le prix du vin et des alcools forts est très élevé, de très nombreuses personnes qui dépendent de l’alcool se rabattent sur la bière qui est moins chère. En effet, la bière bénéficie d’un régime juridique différent des autres alcools au Québec : elle peut se vendre en dehors de la SAQ. Or, la SAQ applique en moyenne une marge brute moyenne de 145% sur le prix des vins, ce qui les rend beaucoup trop chères, tandis que la bière est vendue à un prix normal. Donc, même en supposant une baisse du prix du vin de 30% par rapport au niveau élevé d’aujourd’hui, la bière resterait toujours moins chère que le vin. Ceci n’affecterait pas le niveau d’alcoolisme au Québec. Conclusion : si l’objectif est réellement de lutter contre l’alcoolisme, il faudrait substantiellement augmenter le prix de la bière (peut-être même doubler les prix pour que cela soit efficace). Êtes-vous d’accord avec cela? Ceci dit, il faut être très vigilent. Il faut continuer à faire la promotion d’une consommation responsable. Et je suis tout à fait d’accord avec une taxation spécifique sur les vins et les alcools pour lutter contre l’alcoolisme.
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2. Le vin est un produit de luxe, alors c’est normal de le taxer.

FAUX. Le vin n’est pas nécessairement un produit de luxe. Dans un pays normal, il y a certes de grands vins prestigieux vendus à 300$, mais aussi un très vaste choix des petits vins originaux et sans prétention qui, sans le monopole, seraient vendus entre 6$ et 10$. Ce n’est pas beaucoup plus chère qu’une bouteille de 750 ml de bière de microbrasserie, qui n’est pas considéré comme un bien de luxe!

Sans le monopole – avec sa marge brute moyenne de 145% – il serait possible d’avoir un bon petit vin pour 7$, soit environ 87 cents le verre! Voir la décomposition du prix de la SAQ. La perception au Québec que le vin est un produit de luxe vient de la SAQ. C’est un raisonnement circulaire: comme les prix sont élevés à cause du monopole, on pense que c’est nécessairement un produit de luxe. Et comme on pense que c’est un produit de luxe, on accepte d’avoir un prix élevé!

Et suivant cette logique, il faudrait taxer aussi les autres produits de luxe. Et qu’est-ce qu’un produit de luxe : les voyages? Les bijoux? Les billets de hockey? Les bateaux à moteur? Les voitures décapotables? Pourquoi taxer le vin et non pas des produits qui sont néfastes (produits en lien avec l’obésité et les problèmes de santé, produits polluants, etc.)?

Enfin, à quel moment avons-nous collectivement pris la décision de taxer des produits de luxe au Québec? Jamais. Il n’y a jamais eu de vote à l’Assemblée nationale du Québec sur ce point. On a institué le monopole en 1921, et depuis la SAQ se sert de ce monopole pour imposer des prix élevés.
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3. La SAQ fait partie du modèle québécois héritée de la révolution tranquille

FAUX. La SAQ n’a pas été créée pendant la révolution tranquille, mais en 1921, en réaction à la prohibition de l’alcool aux États-Unis. Comme le Canada ne souhaitait pas suivre les américains sur cette voie aussi radicale, il fut décidé de créer un monopole afin de contrôler la consommation d’alcool dans la population. Aujourd’hui, cette justification n’est plus d’actualité. Alors, quelle est la justification d’un monopole du vin aujourd’hui?
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4. La libéralisation du marché va faire perdre des revenus pour le gouvernement

VRAI et FAUX. D’abord, la question des revenus est différence de cette du monopole. On peut tout simplement taxer le vin plutôt que de passer par un monopole. Pas besoin d’un monopole pour taxer la cigarette ou l’essence par exemple!

Il est vrai que la concurrence va certainement faire baisser les prix du vin (j’estime qu’ils pourraient facilement baisser de 30%). De plus, la SAQ va perdre une partie des ventes au profit des nouvelles boutiques de vins et d’alcool. Donc, en apparence, le gouvernement pourrait perdre des revenus. Mais ce n’est pas la fin du processus. Dans une étude que j’ai publiée en 2012, j’ai estimé l’impact sur les finances du Gouvernement du Québec d’une libéralisation partielle de la distribution des vins et alcools au Québec (voir cette étude).

D’abord, une baisse des prix stimulerait les ventes, surtout en qualité, sachant l’engouement grandissant des québécois pour la bonne table, la gastronomie et les produits fins. Les gens qui dépensent environ 12$ la bouteille vont peut-être continuer à dépenser 12$ même avec une réduction des prix de 30%, en allant découvrir des vins de meilleure qualité maintenant plus abordables. Dans une nation où les sommeliers sont des vedettes et où tous les médias ont des chroniques sur le vin, on peut s’attendre à ce mouvement vers la qualité et l’originalité des vins de la part des consommateurs québécois. Les Québécois qui sont plus limités financièrement auront enfin accès à de bons vins. La croissance des ventes de vin suite à cette baisse de prix devrait soutenir les profits de la SAQ, ainsi que les taxes sur la consommation de vins achetés chez les cavistes.

Le système de monopole actuel défavorise nettement les produits d’ici. Le Québec ne favorise pas sa propre production viticole. Un marché partiellement libéralisé favoriserait nettement l’industrie des vins et alcools du terroir québécois, se traduisant à terme par une production supplémentaire de 63 millions de dollars par année. Le développement de ce secteur agro-touristique devrait donc générer de l’activité économique, impliquant augmentation des recettes de taxes et d’impôts pour le Gouvernement du Québec. Et l’activité des boutiques de vin va générer de la création d’emplois et des revenus de taxes et d’impôts pour le gouvernement.

Enfin, la concurrence va amener la SAQ à devenir beaucoup plus efficace et à diminuer ses coûts de production, permettant de compenser en partie pour les pertes de revenus.
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5. Le prix du vin est élevé parce que ça coûte cher de le transporter jusqu’au Québec.

FAUX. Lorsqu’un grand distributeur comme la SAQ transporte du vin par centaines de caisses sur des palettes par bateau, cela coûte environ 25 à 70 cents la bouteille. Le prix élevé vient vraiment de la marge brute moyenne de 145% imposée par la SAQ. Voir la décomposition du prix de la SAQ.
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6. C’est normal de taxer un produit comme l’alcool à cause des conséquences sociales (alcoolisme)

VRAI, MAIS… Oui, il faut une taxe spécifique sur l’alcool pour éviter la surconsommation et financer les conséquences négatives de ceux qui malheureusement abusent de l’alcool. Le gouvernement du Québec ajoute déjà une taxe spécifique sur l’alcool, justement pour pallier à ce problème. A ceci s’ajoute trois autres taxes: la TPS et la TVQ, comme n’importe quel autre produit, plus des droits de douane du gouvernement fédéral. Sur une bouteille de 15$, ca représente environ 3$ de taxes. En plus, la SAQ prend une marge brute moyenne de 145%. Mais 145%, ce n’est pas un peu abusif, non?
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7. La SAQ a un choix de produit exceptionnel

VRAI et FAUX.Si on compare une chaîne de magasin avec une autre, le choix de produits est très large à la SAQ par rapport à d’autres distributeurs de vins et d’alcools. Mais c’est normal puisque c’est un monopole qui doit servir tout le Québec, et non pas une petite boutique qui sert une ville. Si on considère l’ensemble de la diversité au Québec, on s’aperçoit qu’il existe des milliers de produits intéressants qui sont non disponibles au Québec. Lors de mes voyages en Europe ou ailleurs, je découvre de très nombreux produits que je ne pourrais jamais plus déguster au retour au Québec. Quelle frustration! Pour la bière et le whisky, c’est flagrant. Il existe plus de 1000 bières belges. De même, il existe plus de 2000 whiskys dans le monde, et si peu vendus au Québec… La SAQ bloque énormément de petits producteurs originaux à travers le monde qui se demandent bien pourquoi leurs bons produits ne peuvent être distribués au Québec.  Et ça génère énormément de grogne de leur part envers notre système de monopole (j’ai de nombreux témoignages!). La sélection de la SAQ ne se base pas sur la demande des consommateurs, mais sur un processus administratif qui fait peu de place au goût et à l’originalité comme critère de sélection (sur cette question, je réfère le lecteur à mon livre « Où sont les vins » publié en 2009 aux Éditions Hurtubise). En quoi est-ce le rôle de l’État de sélectionner pour les consommateurs québécois les vins qui sont offerts au Québec ?

Le vin québécois est un exemple frappant de cela. Il y a plus de 200 produits disponibles, mais on les retrouve difficilement dans les succursales du Québec. Comment acheter du vin québécois si la SAQ est en monopole et qu’elle ne dispose pas d’un large choix? C’est la raison pour laquelle le Gouvernement du Québec a adopté la loi 88 qui permet aux vins québécois d’être vendus dans des épiceries et des dépanneurs, afin d’échapper au goulot d’étranglement de la SAQ.
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8. Le vin est cher à cause des syndicats des employés de la SAQ et leurs salaires élevés.

VRAI et FAUX. Il est vrai que les salaires des employés de la SAQ sont plus élevés que dans le secteur de la vente au détail en général. Ceci pourrait en apparence expliquer les prix élevés. Mais la SAQ vient se chercher une marge brute moyenne de 145% sur le prix du producteur, ce qui pousse le prix bien au-delà des coûts élevés de la SAQ. Voir la décomposition du prix de la SAQ. En fait, puisque cette marge moyenne de 145% est une marge administrative qui ne dépend pas des coûts de production, même en supposant une baisse du salaire des employés de la SAQ, ceci ne ferait pas baisser le prix du vin; Ça ne ferait qu’augmenter les revenus pour le gouvernement.
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9. La SAQ, c’est nécessairement une opposition gauche-droite.

VRAI et FAUX. J’ai écrit un article d’opinion sur ce sujet. C’est certain que, peu importe les faits et les arguments, la droite va toujours s’opposer à un monopole public, et la gauche va toujours chercher à justifier l’implication sur secteur public. Mais ce sujet ne devrait pas être traité de façon idéologique. La libéralisation totale – souhaitée par les gens à droite – risque d’être défavorable dans les régions du Québec où il y aura peu ou pas de concurrence. D’où l’idée de ne pas démanteler la SAQ qui approvisionne toutes les régions du Québec. Mais en même temps, la vente de vin n’est ni un service essentiel, ni stratégique. Même la cigarette et les médicaments, des produits autrement plus dangereux et sensibles que le vin, ne sont pas administrés par un monopole. Pourquoi le vin alors? Mon approche n’est pas idéologique, mais gastronomique. C’est à la base une question de plaisir du vin et de diversité !

Si la justification de l’existence de la SAQ est simplement de générer des revenus pour le gouvernement, alors la taxation est une solution et non pas le monopole. La libéralisation partielle ne démantèle pas la SAQ. Il s’agit simplement de mettre un peu de concurrence, pour offrir aux consommateurs québécois une autre expérience de la dégustation, plus de choix et donner de meilleurs débouchés aux producteurs québécois! C’est une question de plaisir du vin, et non pas une question idéologique.
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10. Avoir des prix élevés avec un monopole, c’est un choix de société

FAUX. Il est tout à fait légitime de taxer des produits non essentiels afin de financer les routes, les écoles et les programmes sociaux. Mais dans le cas du vin, quand avons-nous fait ce choix de société? Quand avons-nous décidé ce choix collectivement et voté cela officiellement à l’Assemblée nationale du Québec? Jamais! La SAQ existe depuis 1921 et elle a profité de son statut de monopole pour fixer des prix élevés de monopole, ce qui plait évidemment au gouvernement qui en collecte les revenus. Mais la société québécoise n’a jamais statuée officiellement sur ce point.

Par ailleurs, sur une bouteille de 15$, on paie déjà 3,25$ pour diverses taxes: TPS, TVQ, douane, et taxe spécifique sur l’alcool (voir la décomposition du prix de la SAQ). En plus, la SAQ applique une marge brute moyenne de 145%. N’est pas un peu beaucoup non? Si on veut faire un choix de société, il conviendrait de taxer non seulement le vin et les alcools, mais aussi la malbouffe ou les produits polluants ou ceux qui détériorent l’environnement par exemple.
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Pourquoi ne pas privatiser ou démanteler la SAQ?

Dans l’ouvrage « Où sont les vins?» (Éditions Hurtubise, 2009), qui discute plus largement du problème de la distribution des vins et alcools au Québec et du manque de diversité de vins vendus au Québec, je propose une libéralisation partielle du marché québécois.

Cette proposition consiste à autoriser de petites boutiques de vin (cavistes) à importer, distribuer et vendre librement les vins et alcools au Québec. Ce réseau de cavistes permettrait d’offrir aux consommateurs québécois une plus grande diversité de vins et alcools, à des prix plus abordables, ainsi qu’un service à la clientèle dynamique et personnalisé favorisant l’essor de la qualité et de la gastronomie au Québec.

Nous pourrions, dans un premier temps, débuter par un petit projet pilote permettant l’ouverture de cinq à huit petits cavistes indépendants. Chaque boutique devra présenter un concept de boutique spécifique et original. Le gouvernement sélectionnerait les concepts apportant le plus de valeur ajoutée aux consommateurs, en termes d’originalité et de choix. Plus plus de détails sur ce projet pilote, voir mon article d’oponion: Des cavistes à la rescousse (La Presse+, 11 juillet 2015)

PRIVATISER?

Pourquoi ne pas simplement privatiser la SAQ? La privatisation, c’est le fait de transférer à des intérêts privés une entreprise publique. Donc, vendre la SAQ à des investisseurs privés. Mais ceci ne règle en rien le problème! Un monopole est un monopole. Qu’il soit privé ou public, les monopoles tendent à hausser ses prix, diminuer le service à la clientèle, être moins innovant, mettre moins d’effort à diminuer les coûts, etc. Le secret, c’est la concurrence qui va donner aux consommateurs de meilleurs prix; c’est la concurrence qui va réellement forcer la SAQ à devenir plus efficiente et à diminuer ses coûts; c’est la concurrence qui va permettre un service à la clientèle plus dynamique et personnalisé (voir le plaisir de fréquenter un caviste, petite boutique de vin, dans ces petites capsules vidéos amusantes). C’est la concurrence qui va amener la SAQ à se montrer plus réactive face aux désirs des consommateurs, notamment d’avoir accès aux vins québécois.

LIBÉRALISER?

La libéralisation signifie que l’on permet à d’autres distributeurs de venir concurrencer la SAQ. Donc, on « libère » le marché des lois qui interdisent les autres distributeurs à vendre des vins et des alcools.

Pourquoi une libéralisation PARTIELLE?

Je ne souhaite pas le démantèlement de la SAQ. Je veux permettre simplement à de petites boutiques de vin de pouvoir opérer sur le marché. Pourquoi? La concurrence risque d’émerger particulièrement dans les marchés à forte densité de population (Montréal, Québec, Gatineau, etc.) ou des marchés spécifiques (Mont-Tremblant, route des vins en Estrie, relais touristiques à Charlevoix, etc.). En revanche, la libéralisation ne doit pas appauvrir la diversité en vin des autres régions du Québec. Avec le scénario proposé d’une libéralisation partielle, la SAQ conservera les moyens financiers et le pouvoir commercial pour assurer une belle diversité et une distribution efficace à travers le Québec.

La SAQ compte sur un solide réseau de 414 succursales à travers la province, appuyé par un système de distribution efficace à l’échelle du Québec, de façon à pouvoir approvisionner correctement tout le territoire québécois.

Que deviendrait la SAQ dans ce scénario? Tout simplement, une grande entreprise soumise à la concurrence. Elle devra donc s’adapter en conséquence, ayant tous les atouts pour tirer son épingle du jeu. La SAQ bénéficie d’une image de marque archi-connue au Québec. Elle pourra continuer à exploiter sa notoriété pour fidéliser sa clientèle.

Ainsi, la SAQ pourra maintenir une position dominante sur le marché du vin au Québec pendant encore bien des années, malgré le processus de libéralisation. L’avantage en termes de diversité, c’est qu’elle gardera une force de vente suffisamment importante pour continuer à approvisionner toutes les régions du Québec d’une large gamme de vin.

CONCLUSION

Bref, ce n’est ni une proposition de droite (privatisation et libéralisation totale) ni une proposition de gauche (sauvons à tout prix une société d’État, en se fermant les yeux sur les dysfonctionnements du système).

C’est réaliste, peu compliqué à mettre en place, impliquant peu d’impact financier pour le gouvernement du Québec (voir mon étude sur ce sujet).

Libéralisation partielle: Étude d’impact financier

Impact d’une libéralisation partielle de la distribution des vins et alcools au Québec sur les finances du Gouvernement du Québec

Voici une petite étude que j’ai réalisé en 2012 dans laquelle j’estime l’impact sur les finances du Gouvernement du Québec d’une libéralisation partielle de la distribution des vins et alcools au Québec. L’étude montre qu’une libéralisation partielle pourrait avoir un impact beaucoup plus modeste sur les revenus versés au gouvernement, que ce qu’on pourrait penser. Voici son résumé exécutif.

Résumé exécutif

L’existence d’un monopole au Québec contribue à réduire considérablement la gamme de produits disponibles pour le consommateur québécois, limitant son plaisir de la découverte et de la dégustation.

Dans l’ouvrage « Où sont les vins?» (Éditions Hurtubise, 2009), qui discute plus largement du problème de la distribution des vins et alcools au Québec et du manque de diversité de vins vendus au Québec, l’économiste Frédéric Laurin propose une libéralisation partielle du marché québécois.

Cette proposition consiste à autoriser de petites boutiques de vin (cavistes) à importer, distribuer et vendre librement les vins et alcools au Québec. Ce réseau de cavistes permettrait d’offrir aux consommateurs québécois une plus grande diversité de vins et alcools, à des prix plus abordables, ainsi qu’un service à la clientèle dynamique et personnalisé favorisant l’essor de la qualité et de la gastronomie au Québec.

Sur le coup, la concurrence des cavistes se traduirait par une baisse des prix  donc une réduction des marges bénéficiaires  et par une perte de parts de marché pour la SAQ. Selon nos estimations, la concurrence induirait une chute des prix d’au moins 30%. Le premier réflexe serait donc de croire qu’une libéralisation conduirait à une perte nette de revenus pour l’État.

Mais les impacts d’une libéralisation sont plus vastes et, à terme, bénéficieraient au Gouvernement du Québec :

Croissance de la production des vins et alcools du terroir produits au Québec : le système de monopole actuel défavorise nettement les produits d’ici. Le Québec ne favorise pas sa propre production viticole. En effet, de très nombreux producteurs québécois choisissent de ne pas distribuer leurs produits à la SAQ, puisque les procédures et la logistique y sont tout simplement trop complexes ou coûteuses. Mais surtout, la SAQ applique indifféremment une marge de 145% sur ces produits, ce qui fait augmenter le prix de vente des produits québécois à un niveau tel qu’il décourage le client.

Un marché partiellement libéralisé favoriserait nettement l’industrie des vins et alcools du terroir québécois, se traduisant à terme par une production supplémentaire de 63 millions de dollars par année. Le développement de ce secteur agro-touristique devrait donc générer de l’activité économique, impliquant augmentation des recettes de taxes et d’impôts pour le Gouvernement du Québec. Selon nos calculs, il s’agit de retombées économiques substantielles, s’élevant à terme à 45 millions de dollars d’impact sur le PIB québécois annuellement, et représentant 2,1 millions de dollars par année pour le budget de l’État.

Croissance du marché du vin : une baisse des prix stimulerait les ventes, tant sur les quantités que sur la qualité des vins, accompagnant l’engouement grandissant des québécois pour la bonne table et les produits fins. Les Québécois qui sont plus limités financièrement auront enfin accès à de bons vins. La croissance des ventes de vin suite à cette baisse de prix devrait soutenir les profits de la SAQ, ainsi que les taxes sur la consommation de vins achetés chez les cavistes.

Consommation de qualité : le service personnalisé des cavistes, leur enthousiasme, leur travail de promotion et de partage des connaissances sur le vin devraient dynamiser le marché des vins et alcools de qualité au Québec.

La SAQ, grâce à sa puissance commerciale, son image de marque et sa présence partout sur le territoire québécois, devrait à terme bénéficier de cette croissance générale du marché, contribuant à augmenter ses profits. Ainsi, ces deux derniers facteurs feraient augmenter les profits de la SAQ d’un montant supplémentaire variant entre 127 millions à 168 millions de dollars par année.

Retombées économiques du développement d’un réseau de cavistes : l’établissement d’un petit réseau de cavistes devrait soutenir l’entrepreneuriat local. Des retombées économiques directes et indirectes devraient donc en découler, permettant au Gouvernement de collecter davantage de recettes d’impôts et de taxes. L’impact commercial des cavistes sur les finances du Gouvernement se chiffrerait dans une fourchette de 12 millions à 27 millions de dollars par année.

Au total, les recettes annuelles pour le Gouvernement liées à notre proposition passeraient de 867 millions de dollars par année, dans le système actuel, à un montant variant de 410 millions à 761 millions de dollars à terme, selon les scénarios retenus.

En même temps, l’activité économique des cavistes et des producteurs québécois génèrerait des retombées économiques de l’ordre de 142 millions à 252 millions de dollars par année sur l’ensemble de l’économie québécoise, créant de 2 553 à 5 036 emplois supplémentaires.

Ces estimations sont obtenues en utilisant des hypothèses très conservatrices. Toutefois, les deux principaux bénéficiaires de cette libéralisation restent le consommateur québécois qui pourra apprécier des vins et alcools de qualité, dans toute leur diversité, et les producteurs québécois du terroir qui trouveront, enfin, de biens meilleures conditions assurant l’essor de la filière viticole au Québec.

Notons que cette proposition n’implique pas la privatisation ou la disparition de la Société des alcools du Québec, puisque le nouveau régime décrit ci-haut se développerait en parallèle au réseau de distribution actuel de la SAQ.

De plus, notre proposition offrirait aux individus la possibilité de pouvoir librement importer des vins et alcools, dans des quantités limitées à une consommation personnelle, sans contraintes administratives excessives (importations privées simplifiées).

Place aux cavistes, La Presse

Article d’opinion publié dans La Presse

Publié le 08 février 2013 à 06h00 | Mis à jour le 08 février 2013 à 06h00
Place aux cavistes
On attirerait une frange importante de consommateurs actuellement peu intéressés par le vin, soit à cause des prix trop élevés, soit par manque d’intérêt ou de connaissances oenologiques.Photo David Boily, archives La Presse

Place aux cavistes

Voici mon article d’opinion paru dans La Presse le 8 février 2013

Dans une récente chronique, Alain Dubuc propose de briser le monopole de la Société des alcools du Québec, en suggérant, par exemple, l’ouverture du marché à des petits cavistes, mais seulement si cette formule permettait à l’État de recueillir les mêmes revenus.

Voilà une idée que je défends depuis plusieurs années. Dans une étude en mars 2012, j’avais justement estimé l’impact d’une telle libéralisation sur les finances du gouvernement du Québec.

La libéralisation partielle du marché consiste à autoriser de petites boutiques de vin (cavistes) à importer, distribuer et vendre librement des vins et des alcools au Québec, parallèlement à la SAQ. Ce réseau de cavistes permettrait d’offrir aux consommateurs québécois une plus large diversité de vins et d’alcools à des prix plus abordables, et de bénéficier d’un service à la clientèle dynamique et plus personnalisé.

Pour lire la suite:

Place aux cavistes