Élections Québec 2018
Mon évaluation des plateformes économiques
Frédéric Laurin, PhD en économie
Professeur en économie, École de gestion, Université du Québec à Trois-Rivières, Chercheur à l’Institut de recherche sur les PME (INRPME)
Voici une analyse des engagements électoraux en matière de développement économique des quatre grands partis politiques provinciaux du Québec.
Je donne une note sur 10 au programme de chaque parti selon la capacité de ses engagements électoraux à concrètement et efficacement améliorer la situation économique du Québec en matière de développement économique.
Aussi, je donne un pour les propositions que j’apprécie particulièrement et un pour les propositions qui me semblent être de mauvaises idées.
Pour certaines mesures, j’ajoute aussi un commentaire éditorial en caractère rouge italique.
Mise en garde : cette évaluation découle d’une initiative neutre et non partisane. Elle ne présume aucunement de mes allégeances politiques ni de mon vote le 1er octobre.
Note : il y a d’autres thèmes extrêmement importants dont on doit tenir compte pour faire un choix éclairé aux élections du 1er octobre (santé, l’éducation, etc.). Notamment, j’aurais souhaité ajouter le développement durable à ces critères, un enjeu crucial pour le Québec. On pourrait dire que tous ces sujets affectent l’économie d’une façon ou d’une autre. Mais je me concentre uniquement sur les aspects de développement économique parce que 1) je n’ai pas les compétences pour procéder à l’analyse des autres sujets; je laisse à d’autres commentateurs le soin de le faire; 2) je n’ai pas le temps de décortiquer l’ensemble des plateformes électorales au-delà de l’aspect développement économique.
Ma note sur 10 des plateformes économiques
Vision intéressante, mais pas assez détaillée
La CAQ est-elle prête pour le pouvoir?
La CAQ se donne comme objectif de rattraper le niveau de richesse des provinces voisines, notamment l’Ontario, par une série de mesures touchant le développement régional et le soutien à divers secteurs d’activité (nouvelles technologies, secteur agro-alimentaires, mines, foresterie, etc.). Ses propositions reprennent les idées du Projet Saint-Laurent. Avec ce projet, François Legault offre une vision du développement économique originale et intéressante. Mais en même temps, j’avais critiqué plusieurs éléments du Projet Saint-Laurent dans un Blogue économique. Le plan d’ensemble est intéressant, mais, dans le détail, il ne semblait pas bien comprendre les fondements du développement économique. J’écrivais ceci : « le projet de la CAQ pointe dans la bonne direction. Mais ce n’est pas suffisant. Pour un parti qui n’a pas d’expérience de gouvernance, la CAQ doit absolument démontrer qu’elle est prête à assumer le pouvoir ». La plateforme économique de la CAQ version 2018 pointe aussi dans la bonne direction. Le diagnostic est souvent juste et pertinent. Le problème, c’est le souci du détail. Un grand nombre de propositions me semblent soit très vagues, soit déjà mises en œuvre. A plusieurs reprises dans mon analyse, je me demande donc ce que la CAQ souhaite apporter comme changement exactement. Je crains que de nombreuses propositions n’aient qu’un impact minime compte tenu l’existence de politiques similaires déjà mises en œuvre d’une façon ou d’une autre. L’objectif de la CAQ de rattraper le niveau économique de l’Ontario risque d’être plus long que prévu!
Dans la continuité...
Le PLQ compte poursuivre des stratégies déjà mises en œuvre. Peu de nouvelles mesures en développement économique.
Le PLQ est au pouvoir et son intention est de poursuivre la stratégie économique développée à titre de gouvernement dans les dernières années.
C’est l’avantage d’être au gouvernement.
Plusieurs plans gouvernementaux touchant le développement économique ont déjà été annoncés ou mis en œuvre. Sans être excessivement ambitieux, ce sont des plans essentiellement cohérents et pertinents, allant dans la bonne direction, et utiles pour l'économie du Québec.
Mais, en revanche, il y a peu de nouvelles mesures, le PLQ s’appuyant sur ces politiques gouvernementales déjà annoncées. C’est un peu pépère et ennuyant comme programme. Le PLQ manque d’inspiration…Pour toutes ces raisons, j'accorde la moyenne au PLQ, soit 7,5/10
Le programme ressemble beaucoup à celui de la CAQ, mais il est plus précis. C’est peut-être l’avantage d’être au gouvernement. Ça n’empêche pas le PQ (voir mon commentaire sur ce parti) d’avoir un programme très détaillé et précis. sans être au gouvernement.
J’accorde une meilleure note (de peu) au PLQ par rapport à la CAQ pour ce souci du détail et parce que le PLQ prend vraiment au sérieux l’enjeu crucial des pénuries de main-d’œuvre.
Un programme très détaillé, mais touffu
Le PQ propose une plateforme économique très détaillée et un cadre financier crédible. Mais on peine à trouver une ligne directrice claire.
Le PQ présente une plateforme et un cadre financier extrêmement détaillés, bien davantage que ceux de la CAQ et du PLQ. Sa plateforme est aussi un peu plus ambitieuse.
Évidemment, le PQ a une fâcheuse tendance à faire de l’activisme gouvernemental tout azimut. On ne sent pas une ligne directrice claire en matière de développement économique, sauf peut-être en ce qui a trait à l'économie numérique. C’est une plateforme touffue qui va dans tous les sens. Je suis certes un partisan du volontarisme politique, mais je crains une surenchère d’initiatives étatiques éclatées, dans des domaines divers, sans une réelle stratégie cohérente et interreliée.
Ceci dit, je lève mon chapeau à sa vision du développement régional, et surtout son plan de décentralisation. Ce plan, très détaillé et crédible, s’approche sensiblement de mes propres propositions sur le développement régional. Ils répondent tout à fait aux enjeux régionaux. C’est assez ambitieux.
Mais on verra si le PQ aura le courage d’aller jusqu’au bout de cette ambition s’il est élu.
Au pays des licornes et des Calinours
QS a vraiment fait un énorme travail pour crédibiliser sa plateforme économique. Plusieurs bonnes idées. Mais tout s'écroule avec son cadre financier simplet et surréaliste.
QS a vraiment fait tout un travail pour bonifier et crédibiliser son programme économique. Les tirades archaïques romantico-révolutionnaires ont été retirées.
De plus, on y trouve plusieurs très bonnes idées, notamment en matière de décentralisation régionale, de transport urbain, d’accès à internet, de conciliation travail-famille, de transition énergétique et de taxes foncières.
Résultat : ma note passe de 3,5 à 6,5 /10.
Mais en même temps, le programme contient de nombreuses fausses bonnes idées. Par exemple, la nationalisation des entreprises de transports interrégionaux par autobus n’est pas utile pour réaliser l’objectif souhaité.
De plus, QS ne présente pas vraiment une vision intégrée et complète du développement économique. Par exemple, peu de mesures touchent les PME et l’innovation. Rien sur les exportations et l’entrepreneuriat.
QS pourra arguer que son plan de transition énergétique (que je considère comme étant nécessaire) est un plan de développement économique. Oui c’est un plan qui a des impacts positifs sur plusieurs secteurs économiques, mais non ce n’est pas une vision intégrée du développement.
QS présente à la fois le programme le plus long, et le plus vague. C’est une longue liste de tout ce que QS aimerait changer dans la société. C’est facile de proposer mer et monde quand on sait qu’on ne se fera pas élire, tout en disant que l’argent viendra des riches et des grandes corporations. Il y a là une facilité intellectuelle que je n’apprécie pas. Le vrai courage politique, c’est de faire des choix, des arbitrages et se donner des priorités. Dans le monde magique de QS, on peut tout promettre à la fois. J’aime beaucoup son plan de transition énergétique. Il me semble que ça devrait être la priorité en l’appuyant sur un financement crédible.
Il est important d’avoir un parti de gauche crédible, pour le bien de la pluralité politique, mais aussi parce que QS porte une partie des espoirs de la jeunesse qu'il ne faut pas décevoir à terme. On peut être à gauche et économiquement crédible. Je leur souhaite de travailler avec de réels économistes pour les prochaines élections.
• Rattraper le niveau de richesse des provinces voisines, notamment l’Ontario
• Décentralisation : plus de pouvoirs et d’autonomie pour les régions
• Industrie maritime : Projet Saint-Laurent. Tirer profit du fleuve et redynamiser cet important secteur économique au Québec (tourisme, transport, pôles logistiques)
• Créer des zones d’innovation dans les régions. Favoriser l’émergence de nouveaux secteurs technologiques et industriels. Encourager les entrepreneurs qui se démarquent et la collaboration universités-entreprises.
• Réduction des niveaux d’immigration pendant quelques années
• Simplification du régime fiscal : une seule déclaration à remplir pour les deux ordres de gouvernement, administrée par Québec.
• Décentralisation : construire avec les régions une loi-cadre sur la décentralisation et la régionalisation.
• Économie verte : stratégie de transformation industrielle vers l’économie verte
• Politique de souveraineté alimentaire
• Stratégie pour soutenir l’économie numérique
• Hausser le salaire minimum à 15 $ de l’heure d’ici octobre 2022
• Prix de l’essence : créer un Bureau de la protection des consommateurs du Québec (BPCQ). Première mission : enquêter sur le prix de l’essence.
• Réduire le coût du transport aérien : imposer un prix plancher pour les billets d’avion pour les vols régionaux + casser le monopole d’Air Canada
• Caisse de dépôt et placement du Québec : modifier sa mission dans le cadre d’une stratégie de « nationalisme économique »
• Augmenter quelque peu les niveaux d’immigration dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre.
• Outre l’immigration, plusieurs mesures pour contrer les pénuries de main-d’œuvre
• Réduction du fardeau fiscal des PME
• Continuation de plusieurs politiques gouvernementales déjà mises en œuvre : compétitivité des entreprises et industrie 4.0, plan d’action en entrepreneuriat, économie numérique, réussite en éducation et en enseignement supérieur, Stratégie québécoise de l’exportation, etc.
• Créer l’Agence du transport interurbain (nationalisation des compagnies privées de transport)
• Création de conseils régionaux de développement (CRD)
• Créer RÉSEAU QUÉBEC : Nationalisation de la distribution Internet
• Gratuité scolaire du préscolaire jusqu’à l’université (élimination des frais scolaires)
• Hausser le salaire minimum à 15 $ de l’heure
• Extension des congés de travail (vacances, congés parentaux, journées de maladie, etc.)
• Projet-pilote de revenu minimum garanti dans plusieurs municipalités
• Immigration : faciliter l’intégration et bonifier les droits des travailleurs étrangers.
• Plan de transition énergétique
Points positifs
• Plusieurs mesures pertinentes qui touchent le développement régional
• Plus de pouvoirs et d’autonomie pour les régions. C’est cohérent avec mes propositions.
Points négatifs
• Le diable est dans les détails et j’espère que la CAQ dispose d’un plan de mise en œuvre de ses politiques plus détaillé et structuré s’il arrive au pouvoir.
• Dans un contexte de graves pénuries de main-d’œuvre, ce n’est certainement pas le bon moment de réduire le nombre d’immigrants. Je préfère nettement une grande stratégie pour mieux choisir les immigrants et pour faciliter encore davantage leur intégration. Pas moins d’immigrants, mais mieux choisir et mieux intégrer.
Points positifs
• Le gouvernement a mis en œuvre plusieurs stratégies touchant le développement économique qui, sans être excessivement ambitieuses, sont cohérentes et pertinentes. Mais ce sont des mesures déjà existantes.
• Le PLQ prend au sérieux l’enjeu des pénuries de main-d’œuvre.
Points négatifs
• Il y a très peu de nouvelles mesures, le PLQ comptant sur les plans gouvernementaux déjà annoncés ou mis en œuvre. On aurait pu s’attendre à une stratégie beaucoup plus ambitieuse de la part d’un gouvernement qui doit faire oublier les dégâts causés par l’austérité budgétaire.
Points positifs
• Le plan de décentralisation régionale : ambitieux, crédible et répondant aux défis régionaux.
• Le PQ a étonnamment une approche très pragmatique de l’immigration dans un contexte de pénuries de main-d’œuvre. Il propose plusieurs mesures pour attirer des immigrants en région notamment.
Points négatifs
• A part l’économie numérique et l’éducation, le programme du PQ parle peu d’innovation.
• Le programme du PQ contient beaucoup de mesures et d’objectifs, qui sont décrit par des verbes tels que « soutenir », « favoriser », « augmenter », « mettre en œuvre » … Je crains une surenchère d’initiatives étatiques éclatées, dans des domaines divers, sans une réelle appréciation de l’efficacité réelle de ces mesures.
Points positifs
• Prend les grands moyens pour assurer un réseau internet et cellulaire, ainsi que du transport interrégional partout sur le territoire.
• Le transfert de points d’impôt aux municipalités pour réduire leur dépendance aux taxes foncières.
• Création de conseils régionaux de développement (ressusciter les Conférences des élus abolies par le PLQ).
Points négatifs
• QS ne propose pas une réelle vision intégrée du développement économique. Peu de choses pour les PME et l’innovation. Rien pour l’exportation et l’entrepreneuriat.
• Des nationalisations qui sont mal conçues ou inutiles, alors qu’il existe des moyens plus simples et moins intrusifs pour atteindre, avec plus d’efficacité, les mêmes objectifs.
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