C’est un grand classique des lendemains d’élection que l’on observe dans à peu près tous les pays au monde (voir les nombreux exemples ci-dessous). Le ministre des finances du gouvernement fraichement élu se présente devant les médias peu après l’élection, et déclare, avec une mine faussement sombre et éplorée :
« Nous venons d’ouvrir les livres, et – oh horreur ! – nous découvrons que la situation réelle de l’économie est bien plus grave que nous l’imaginions dans l’opposition. Le gouvernement sortant a caché les vrais chiffres. Dans les circonstances, nous sommes vraiment, mais vraiment désolé, car nous ne pourrons pas réaliser toutes nos promesses – oh quel dommage. Tout est de la faute de la précédente équipe…. »
Est alors évacuées, prestement, mais bien habilement, toutes les promesses coûteuses et/ou farfelues lancées pendant le grand cirque de la campagne électorale.
Mais Rayond Bachand, Ministre des finances sortant, n’aura pas offert la possibilité de cette échappatoire à Mme Marois : bien avant le début de la campagne, M. Bachand a révélé l’existence d’un trou de 800 millions de dollars dans le budget du gouvernement du Québec.
Peut-être cherchait-il par là à se donner quelques marges de manœuvre en cas de réélection du gouvernement Charest? Mais certainement, cela démontre aussi son grand sens des responsabilités dans la gestion des comptes publics à titre de Ministre des finances du Québec.
Malgré les effets de la Grande crise de 2008, alors que le tsunami de la crise financière emportait les pays développés dans une vague d’endettement sans précédent, M. Bachand a su garder le cap budgétaire et rediriger le Québec résolument vers le déficit zéro.
De fait, on voit bien dans le tableau ci-dessous que le gouvernement du Québec a maintenu, depuis 2009, un déficit public nettement moindre que d’autres juridictions, y compris le Canada et l’Ontario.
Source : OCDE, Ministère des finances du Québec, Ministère des finances de l’Ontario.
Dans ses trois derniers budgets, M. Bachand a planifié une réduction graduelle et prévisible du déficit public jusqu’au retour au déficit zéro prévu en 2013-2014 (voir figure ci-dessous), si évidemment le gouvernement du parti québécois veut bien garder le même cap.
Source : Ministère des finances du Québec.
Et tout cela, en maintenant le financement dans le domaine de la santé et de l’éducation, tout en mettant en œuvre un programme d’infrastructures de 44 milliards de dollars : réseau routier, ponts et viaducs, hôpitaux universitaires, etc. Certes, le Gouvernement n’avait pas vraiment le choix : les viaducs nous sont tombés littéralement sur la tête!
Tout de même, contrairement aux pays européens qui ont appliqué des politiques d’austérité avant même le retour de la croissance, M. Bachand aura réussi à moduler le rythme des augmentations de dépenses et de revenus sans procéder à des coupures sauvages, de façon à ne pas tuer l’amorce d’une croissance économique durable.
Les marchés financiers auront reconnu la crédibilité de la méthode Bachand, malgré un endettement québécois parmi les plus élevés au monde, en maintenant la cote triple AAA au Québec, alors même que les États-Unis et plusieurs pays européens perdirent cet honneur.
Je me suis montré très sévère envers le gouvernement de Jean Charest. Mais dans un contexte de ralentissement mondial et de crise de l’endettement aux États-Unis et en Europe, et avec des marges de manœuvre réduites, M. Bachand aura réussi à tirer son épingle du jeu avec certes des budgets ennuyants, mais crédibles et responsables.
On espère que Nicolas Marceau, le nouveau Ministre des finances du Gouvernement Marois, saura être tout aussi responsable.
Au revoir donc M. Bachand!
Squelettes dans le placard et reniements de promesse: petit historique
Quand un nouveau gouvernement décide de ne pas tenir ses promesses sous prétexte de découvrir les « vrais » chiffres concernant la situation réelle de l’économie, bien pire qu’annoncée par le gouvernement précédent… |
Élection provinciale 2003 |
Élection du gouv. libéral de Jean Charest
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« Charest accuse le PQ d’avoir caché la vraie situation budgétaire »
La Voix de l’Est, 1 mai 2003
« (…) Jean Charest a admis que l’état réel des finances publiques va donner du fil à retordre à son gouvernement pour présenter un budget équilibré ce printemps. »
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Élection fédérale 1993 |
Élection du gouv. libéral de Jean Chrétien |
« Martin confirmera un déficit fédéral de 40,5 milliards $ »
Le Droit,16 novembre 1993
« (…) C’est devenu une tradition pour les nouveaux gouvernements de réviser le déficit à la hausse, leur permettant ainsi d’accuser leurs prédécesseurs de mauvaise gestion. Brian Mulroney l’a fait en 1984, en annonçant que le déficit fédéral serait de 37 milliards $ plutôt que de 28. (…)
« Au cours du week-end, le premier ministre Jean Chrétien a laissé entendre que son objectif de ramener le déficit à 3 % du produit intérieur brut d’ici la fin de sa troisième année au pouvoir, pourrait bien être allongé à la quatrième ou même la cinquième année. »
Martin se dit étonné du nouveau déficit
Le Devoir, mardi, 30 novembre 1993.
« (…) Qualifiant la situation de «dramatique», M. Martin a fait part de son étonnement devant cette autre gifle donnée aux finances fédérales. »
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Élection fédérale 2006 |
Élection du gouv. conservateur de Stephen Harper |
Certains devront se serrer la ceinture
Cyberpresse, 2 mai 2006
« (…) Pour « reprendre le contrôle » des dépenses [Note : décidées par les libéraux] qu’il qualifie d’« effrénées », le ministre des Finances, Jim Flaherty, veut économiser un milliard par an. »
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Élection présidentielle et législative en France 2012 |
Le Président François Hollande arrive au pouvoir avec une majorité socialiste (centre-gauche) |
Moscovici révise à la hausse le déficit laissé par Sarkozy
La Tribune.fr, 6 juin 2012
« (…) Selon Pierre Moscovici, qui en a fait l’annonce, la pente naturelle du déficit serait plutôt, cette année, de 5% du PIB. Ce n’est pas ce qui était annoncé par l’équipe de Nicolas Sarkozy, laquelle a quitté le pouvoir en estimant le déficit à 4,4% de la richesse nationale. Le chiffre de 5% lâché par le nouveau ministre de l’Economie a bien sûr pour fonction de montrer que l’équipe précédente avait, décidément, fort mal géré les finances publiques. »
L’héritage n’a pas le dos si large
Libération, 3 juillet 2012
« (…)dès dimanche, Pierre Moscovici, donne le «la». «Ils [la droite, ndlr] n’ont rien foutu pour réduire les déficits pendant cette année», assure-t-il. Puis reprend à son compte la petite musique qu’avait commencé à entonner, quelques jours auparavant Jérôme Cahuzac, le ministre du Budget, su le mode de «l’ardoise dissimulée» par l’ancien gouvernement. »
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Élection législative en France 2002 |
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La situation budgétaire, sujet de polémique avant les législatives
AFP Infos Economiques, 7 juin 2002
« (…) M. Marini a aussitôt accusé l’ancien gouvernement d’avoir été « irresponsable », et d’avoir « consommé sur quatre mois seulement la totalité de l’augmentation des dépenses permise par le budget de 2002″. »
Budget: M. Marini (RPR) accuse l’ancien gouvernement d’irresponsabilité
AFP Infos Economiques, 7 juin 2002
« (…) Le sénateur considère que « ce comportement de l’ancien gouvernement est totalement irresponsable, et disqualifie ses auteurs et en particulier Laurent Fabius à jouer les professeurs de rigueur ou de vertu comme il voudrait continuer à le faire en trompant tout le monde ». »
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Élection législative en France en 1997 |
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Un audit pour montrer l’ampleur des dégâts. Un déficit public de 3,35 à 3,6% du PIB, selon nos estimations.
Libération, 19 juin 1997
« La persistance du trou de la Sécurité sociale va rendre plus sulfureux encore l’audit des finances publiques que doit lancer ces jours-ci le gouvernement Jospin. Par tradition, cette opération post-électorale est avant tout destinée à prouver que l’ancienne équipe a laissé le pays dans un état calamiteux. »
« (…) Dominique Strauss-Kahn, a indiqué récemment que le rythme des réformes promises par le PS durant la campagne pourrait alors s’en ressentir. »
Les contraintes budgétaires obligent à différer la véritable relance
Les Echos, 20 juin 1997
« Conscient de la faiblesse des marges de manoeuvre budgétaires, Lionel Jospin a différé à l’automne les principales mesures de relance évoquées pendant la campagne. Au risque de décevoir. »
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