Évaluation et comparaison des plateformes économiques
Frédéric Laurin, PhD en économie
Professeur en économie, École de gestion, Université du Québec à Trois-Rivières, Chercheur à l’Institut de recherche sur les PME (INRPME)
Je donne une note sur 10 au programme de chaque parti selon la capacité de ses engagements électoraux à concrètement et efficacement améliorer la situation économique du Canada en matière de développement économique.
Aussi, je donne un pour les propositions que j’apprécie particulièrement et un pour les propositions qui me semblent être de mauvaises idées.
Pour certaines mesures, j’ajoute aussi un commentaire éditorial en caractère rouge italique.
Note : Je me concentre uniquement sur les aspects ayant un impact sur le développement économique, correspondant à mon champ de compétence. Mais il y a d’autres thèmes extrêmement importants dont on doit tenir compte pour faire un choix éclairé aux élections.
Évaluation et comparaison par thème
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Surfer sur l’air du temps au Québec
Le Bloc annonce les dossiers qu’il compte défendre au parlement au nom du Québec.
Le Bloc flaire l’air du temps au Québec et promet tout ce que les Québécois veulent entendre, sachant que le parti ne pourra pas former le prochain gouvernement. Sa plateforme n’offre pas une vision économique d’ensemble. Plutôt, le Bloc annonce les dossiers qu’il compte défendre au parlement au nom du Québec.
Minimaliste
Le parti conservateur donne l’impression qu’il aurait préféré ne pas avoir eu à réaliser une plateforme…
La plateforme économique du Parti conservateur est conforme à ses principes : remettre de l’argent dans les poches des contribuables et limiter l’interventionnisme de l’État. Le problème, c’est que la plateforme est un assemblage disparate de mesurettes ayant peu d’effet structurant sur l’économie canadienne.
Il s’agit surtout d’une série de petits cadeaux visant des clientèles précises. Le PCC n’offre aucune vision cohérente et intégrée de ce qu’il souhaite pour le Canada en matière de développement économique.
Plateforme assez paresseuse dans l’ensemble. On a l’impression que le parti aurait préféré ne pas avoir eu à préparer une plateforme…
Ceci dit, les Conservateurs proposent un plan de retour à l’équilibre budgétaire d’ici cinq ans. Enfin, un peu de rigueur budgétaire après quatre ans de gestion laxiste des Libéraux! Mais en même temps, le PCC promet 49 milliards $ de dépenses, ce qui l’oblige à couper dans l’aide étrangère et à prioriser les dépenses d’infrastructures notamment. Je ne suis pas certain que c’est là la meilleure façon d’assurer une saine gestion…
A noter : les Conservateurs offrent un plan environnemental de 33 pages, qui est plus complet que celui des Libéraux! Une première dans leur cas! C’est pour cette raison que je donne aux Conservateurs une meilleure note qu’il y a quatre ans. Mais malheureusement, c’est un plan qui a 15 ans de retard, car il ne tient absolument pas compte de l’urgence climatique. L’abolition de la taxe sur le carbone est un recul gravissime, puisque c’est de loin l’outil économique le plus efficace, selon la majorité des économistes, contre la lutte contre le réchauffement.
Plus de la même chose
Poursuite des mêmes politiques, mais aucune mesure phare..
Le Parti libéral présente une plateforme de 93 pages, un programme beaucoup plus exhaustif et complet que celui des Conservateurs. Mais dans le détail, il n’y a rien de très excitant. Aucune grande mesure phare.
Essentiellement, on promet de continuer sur la même ligne, en ajoutant des petites mesures additionnelles. Plusieurs de ces mesures sont tout au plus « mignonnes », mais sans effet structurant. Sur ce point, ça ressemble beaucoup à la collection de mesurettes de la plateforme du Parti conservateur. Il y a aussi beaucoup d’objectifs très généraux, sans détail.
La faiblesse majeure du plan libéral, c’est la continuation des déficits qui seront, en ajoutant les promesses de campagne, encore plus importants que prévus. Alors que l’économie se porte bien, est-il vraiment nécessaire de poursuivre cette stratégie de déficits? Est-ce que tous ces déficits sont justifiés par des investissements réellement structurant à moyen terme? Quel est le plan de gestion de la dette du gouvernement?
Le bon vieux NPD
Le plan d’un parti d’opposition..
Manifestement, le NPD a abandonné l’idée d’être au pouvoir le 21 octobre prochain. Le programme est d’un flou et d’un niveau de généralité digne d’un parti d’idée qui n’a pas vocation de former un gouvernement. A travers le flot de souhaits et d’intentions, il est difficile de percevoir des mesures très concrètes et détaillées. Essentiellement, on propose « d’aider », « de soutenir », « d’encourager », « d’appuyer »… et surtout d’élaborer des « politiques pancanadiennes » sur tous les sujets (façon de dire : nous verrons les détails plus tard). Le parti n’a même pas daigné présenter un cadre financier (en date du 11 octobre).
Dans ces conditions, le NPD aurait pu au moins se montrer plus original. Or, je ne note aucune mesure particulièrement créative qui aurait méritée un de ma part…
Le NPD est retourné à son ADN naturel, avec un programme à gauche ambitieux certes, mais peu créatif et peu détaillé.
Un plan environnemental solide, complet, cohérent et réalisable
C’est ambitieux, mais à la hauteur de l’urgence climatique.
Sans surprise, le Parti vert présente un plan vert complet, cohérent et exhaustif. Il est évidemment très ambitieux, mais néanmoins réalisable d’un point de vue économique. Il touche vraiment tous les aspects de la transition énergétique. Comme économiste, je perçois que le Parti vert a voulu démontrer que son plan n’est pas un ramassis de vœux pieux ou de mesures utopistes. Au contraire, d’un point de vue économique, le plan se tient, et son niveau d’ambition est entièrement justifié par l’urgence climatique. L’état de la situation de la planète ne peut plus se satisfaire de demi-mesures…
Par contre, sur d’autres enjeux, le PV présente quelques mesures vraiment contre-productives sur le plan économique, telles que la « taxe robots » ou l’intention de ne plus soutenir les premiers acheteurs de maison.
Ceci dit, je note plusieurs bonnes idées dans leur programme.
• Subventions aux pétrolières. Couper les subventions aux pétrolières et aux énergies fossiles.
• Taxe « GAFA ». Imposer la TPS aux multinationales du web ainsi qu’une redevance de 3 % sur leur chiffre d’affaires au Canada.
• Pénuries de main-d’œuvre. Différentes mesures pour lutter contre les pénuries de main-d’œuvre.
• Création d’un CRTC québécois.
- Réduction d’impôt pour les revenus inférieurs à 47 630 $
- De nombreuses bonifications/création de crédits d’impôt variés
- Abolition de la taxe carbone
- Création d’un Corridor énergétique national
- Pas d’impôt fédéral sur la première tranche de 15 000 $ de revenus en augmentant le montant personnel de base de près de 2 000 $ pour les personnes gagnant 147 000 $ ou moins par année.
- Planter un deux milliards d’arbres au cours de la prochaine décennie
- Incitatif à l’achat d’une première propriété : jusqu’à 10 % de remise sur le prix d’achat d’une première maison.
- Allocation canadienne pour enfants. Bonification de 15 % pour les enfants de moins d’un an.
- Assurance-médicaments publique et universelle. Instauration d’un régime national d’assurance-médicaments.
- Programme pancanadien, public et universel de services de garde
- Passer à l’électricité sans carbone net d’ici 2030 et à 100 % sans émissions d’ici 2050.
- Augmentation de la taxation pour les plus riches
- Frais de téléphonie cellulaire. Plafonnement des prix + Éliminer plafonds pour les données
- Créer 500 000 logements sociaux et abordables de qualité.
- Un plan vert complet, cohérent, exhaustif, nécessaire, réaliste et réalisable.
- Augmentation de la fiscalité sur les grandes entreprises et les riches.
- Éliminer les frais de scolarité.
- Accroître la concurrence dans l’offre de services cellulaires et Internet.
- Revenu minimum garanti. Introduire un revenu minimum garanti.
- Limitation des frais bancaires et des taux d’intérêt sur les cartes de crédit.
- Assurance-médicaments universelle : instauration d’un régime d’assurance-médicaments.
Points positifs
- Les mesures pour lutter contre les pénuries de main-d’œuvre, le Bloc étant le seul parti à traiter de cet enjeu majeur pour les PME.
- Des mesures pour favoriser la relève d’entreprise dans les PME et le secteur agricole.
Points négatifs
- Plutôt que d’offrir une vision d’ensemble du développement économique, le Bloc ne traite que d’enjeux qui sont dans l’air du temps au Québec.
- La péréquation verte, qui a pour effet de « punir » les provinces productrices d’énergies fossiles, mais qui n’offre aucun plan crédible pour réduire significativement les émissions au Québec.
Points positifs
- Le souci de revenir à une certaine rigueur budgétaire, après des années de déficit sous les Libéraux.
Points négatifs
- Plan environnemental qui ne répond absolument pas à l’urgence climatique.
- Aucune vision d’ensemble, cohérente et intégrée, du développement économique du Canada.
Points positifs
- Fonds pour l’énergie propre, de 5 milliards $, qui servira à financer l’électrification des industries canadiennes.
Points négatifs
- Expansion des dépenses, donnant lieu à des déficits jusqu’en 2023-2024 au minimum.
Points positifs
- Le plan pour la réduction des émissions de CO2, incluant une Banque canadienne pour le climat.
- Plan ambitieux sur le plan social (assurance-médicament, programme canadien de service de garde, logement social, extension de l’assurance-maladie, etc.).
Points négatifs
- Le flou et le niveau de généralité du programme.
- Les mesures concernant les frais de services cellulaires, qui risquent d’être inefficaces.
Points positifs
- Un plan vert complet, cohérent, exhaustif, nécessaire, réaliste et réalisable.
Points négatifs
- Limiter le soutien aux acheteurs d’une première maison.
- L’imposition d’une « taxe robots ».